Avatars et réaménagements de l’aqueduc antique de Cahors
1- L’état des connaissances
Fréquemment mentionné depuis le XVIIe siècle , le monument avait surtout retenu l’attention des historiens en raison de l’aspect spectaculaire des tranchées réalisées en falaise.
La recherche historique et les travaux de terrain - prospections, fouilles préventives et programmées pluridisciplinaires - que nous consacrons à ce monument depuis 1997 ont permis de préciser une grande partie du tracé et quelques-unes de ses nombreuses spécificités.
La conjonction, depuis les années 1990, du développement de l’archéologie urbaine à Cahors qui a amené d’importantes découvertes (sanctuaire, temple, amphithéâtre, voirie…), implique un renouvellement considérable de l’état des connaissances de la ville, et permet d’établir un parallèle porteur de sens entre le chef-lieu de cité et son aqueduc.
2- Caractéristiques générales du monument
Construit au tout début du Ier s. ap. J.-C. - abandonné à la fin du IVe/début du Ve s. ap. J.-C. - l’aqueduc antique qui alimentait Cahors-Divona se développe sur une longueur de 33 km , en rive droite des vallées du Vers puis du Lot, au travers d’un contexte topographique particulièrement difficile (fig. 1).

Sa déclivité moyenne (très variable) qui s’établit à 1,03 m/km permet d’estimer, que lors de la mise en service, le débit approchait 11 700 m3/jour. Avec les dépôts, et malgré l’augmentation du volume d’eau injecté en fin de fonctionnement, le volume se réduisait à 6 800 m3/jour.
Ces recherches ont amené la découverte des captages, au pied de la falaise supportant l’oppidum gaulois de Murcens. A l’origine, c’est une résurgence vauclusienne qui assure seule l’alimentation, avant d’être complétée par les eaux du ruisseau, seulement éloigné de quelques dizaines de mètres.
C’est - selon toute vraisemblance - la conjonction de cette précocité et de cet environnement qui est la conséquence d’innovations conduisant à des procédés de franchissement originaux, parfois ingénieux, mais aussi à de fréquentes maladresses de conception.
En raison d’une mauvaise qualité des maçonneries, et plus encore d’erreurs techniques architecturales, la plupart des ouvrages d’art ont eu à subir des réparations souvent importantes.
Le cuvelage aussi a fait l’objet de nombreux rechapages, certains liés aux réglages inhérents à la mise en service, d’autres étant occasionnées par des modifications apportées au tracé ou à la déclivité en cours de fonctionnement.
Une réduction du cheminement, dans le contournement d’une vallée, a permis de faire l’économie d’un linéaire de 1,1 km.
A mi-parcours, un bassin-fontaine a été aménagé au profit des riverains afin de collecter des pertes d’eau.
Très régulièrement, on observe des traces d’outils qui témoignent de la dépose des encroûtements qui adhérent aux parois.
Un projet de canalisation en bois - peut-être une tentative de réfection de l’aqueduc antique - est évoquée au VIIe siècle. Un autre projet de réhabilitation sera proche d’être concrétisé en 1850.
Alors-même qu’il était convenu que ce type de construction laissait peu de place à l’originalité, et qu’il fallait s’attendre à une certaine homogénéité des techniques de construction, nous pouvons mesurer aujourd’hui qu’il n’en était rien.
3. Les captages
L’aqueduc trouve son origine avec un captage souterrain prélevant une résurgence aujourd’hui colmatée par les éboulis de pente (fig. 2).
Dans le prolongement de l’extrémité de l’aqueduc, ce sont quatre pièces (bassins ?) qui sont actuellement reconnues, pourvues de sols de mortier de tuileau ou de chaux, délimitant des emprises de 14,80 m², 6,60 m², 2,90 m² et 18 m². L’absence d’enduit étanche sur les parois, de même que les dimensions réduites, semblent incompatibles avec la notion de stockage.
Sans doute, ne connaissons-nous de ce dispositif de captage qu’une petite partie, ce qui permet néanmoins d’établir de nombreux parallèles avec un nymphée .
A 100 m de distance, nous avons découvert, dans la berge du ruisseau, un branchement permettant le captage du Vers. A 18 m en aval, les restes de culées conservées sur les berges autorisent la restitution d’un barrage qui permettait de réguler la prise d’eau.
Le ruisseau a subi à cet endroit un aménagement important, le tracé en a été modifié dans le but de provoquer un coude à angle droit, son lit a été élargi et sur creusé. Cela a permis tout à la fois la constitution d’une réserve d’eau, et a favorisé le dépôt des impuretés avant d’injecter le flux de l’eau dans la canalisation.
C’est après des parcours respectifs de 169 et 70 m que le captage primaire et celui du ruisseau se rejoignent dans un rétrécissement de la vallée (fig. 3).
Cette découverte a permis de préciser la chronologie des deux états. C’est ainsi qu’il est établi que le captage primaire fonctionne seul dans un premier temps, avant d’être complété des eaux du ruisseau. Dans la troisième et ultime séquence, le ruisseau alimente seul l’aqueduc, ce qui est démontré par les dépôts calcaires du ruisseau envahissant la canalisation du captage primaire, indiquant que ce dernier était alors inactif.
Plusieurs hypothèses peuvent être avancées pour tenter de comprendre cette modification d’approvisionnement.
Une baisse de débit de la résurgence pourrait en être la conséquence ; pourtant ce dernier est considérable de nos jours et largement supérieur aux besoins, même en période estivale. Les besoins de la cité se sont-ils accrus ? Une altération de la qualité de l’eau est-elle survenue ? Pourrait-il s’agir de la modification du statut de cette résurgence et de sa transformation en nymphée ?
Quoi qu’il en soit, les constructeurs qui ont longé le ruisseau sur une grande distance avaient la possibilité de le capter, en faisant l’économie d’un linéaire important, ce qui n’a pas été réalisé et démontre par là-même qu’à l’origine, la résurgence seule était recherchée.
4. Hétérogénéité des techniques de construction et de franchissement
Le cuvelage au mortier de tuileau est de profil trapézoïdal (fig. 4).

La moyenne des 68 dimensions renseignées par les fouilles est de 0,32 m de largeur à la base et de 0,62 m à 0,53 m de hauteur, ce qui correspond à une section utile mouillée maximale de 0,31 m². En réalité ces mesures varient considérablement tout au long du parcours, sans que l’on puisse établir de lien avec une recherche de régulation à l’approche d’ouvrages d’art ou de changements de directions. La largeur s’échelonne de 0,14 à 0,64 m à la base et de 0,38 à 1 m au sommet, pour une hauteur du specus de 0,35 à 0,73 m, soit des sections mouillées de 0,10 à 0,46 m².
Pour permettre l’accès lors des phases d’entretien, mais également absorber des sur-débits accidentels, la couverture se situe à 1,72 m de hauteur en moyenne (1,30 à 2,18 m) et se présente sous la forme d’une voûte clavée liée comme les pieds-droits au mortier de chaux, avec généralement une clef taillée dans du tuf (fig. 5).
Nous connaissons seulement deux portions de falaise percées sur des longueurs de 4 à 12 m pour des passages en tunnel. Partout ailleurs, et bien que cela ait généré un surplus considérable de travail difficile à justifier, la conduite sera réalisée en tranchée ouverte dans la masse du rocher, nécessitant parfois des tranchées profondes de 11 m (fig. 6),
ou en encorbellement (fig. 7)
, ce qui constitue l’une des originalités de cet aqueduc.
5. Les réfections du specus
Les sondages que nous avons réalisés ont été poursuivis, chaque fois que cela était possible, au détriment des maçonneries afin d’établir le profil exhaustif de l’aqueduc et de ses différentes phases de comblement.
C’est ce qui a permis de vérifier, à de nombreuses reprises, la présence d’un rechapage antérieur (fig. 8-9).
Dans bien des cas, il est impossible de préciser s’il s’agit de la recherche d’un réglage de la pente, de la réparation de maçonneries altérées ou de calibrages destinés à homogénéiser le profil.
Dans d’autres cas toutefois, il est assuré que ces réfections sont associées à des remises en service faisant suite à des reconstructions de pont-aqueducs effondrés. Il s’est alors avéré nécessaire de régler le niveau du cuvelage sur les culées amont et aval afin de résoudre le problème d’inévitables marches.
Il n’est pas possible de préjuger la chronologie de ces rechapages. Parfois, une séquence de calcaire piégée sur le cuvelage précédent témoigne d’un fonctionnement antérieur. Dans les cas où ce dépôt est absent, il peut tout aussi bien s’agir d’une réfection peu éloignée dans le temps de la mise en service, que de la résultante d’un nettoyage préalable qui aura fait disparaître toute trace des concrétions.
6. Les réparations, confortements et reconstructions d’ouvrages d’art
Une quinzaine de murs porteurs ou de ponts-aqueducs franchissent les vallées rencontrées sur le cheminement. Tous, sans exception, comportent des témoignages liés à des réparations et parfois même, à des reconstructions affectant la majeure partie de leurs élévations.
La première difficulté technique est rencontrée avec la vallée affluente de Saint-Julien, qui est « remontée » sur 800 m, puis franchie sur un pont dont la fouille partielle permet de restituer les dimensions : une longueur de 75 m sur une largeur de 2,60 m et une hauteur minimale de 8,90 m (fig. 10).

De profil courbe, l’ouvrage est muni, pour l’écoulement du ruisseau, d’arches de 1,20 m d’ouverture, espacées de 6 m, en alternance de contreforts larges de 1,80 m et profonds de 2,50 m disposés dans sa partie convexe recevant le flux du ruisseau. En raison d’un sol peu porteur, l’ouvrage d’art s’est rapidement affaissé du côté des contreforts. Un mur de revêtement large de 3,20 m a alors été appliqué sur cette face, reliant les contreforts de la construction originelle, et présentant la particularité d’être muni d’un parement de moellons de tuf. Alors que cette configuration se rapproche plus d’un mur-porteur que d’un pont, un texte de 1340 mentionnant des terrains proches, les qualifie de « Sobre los Arcs » (en contrebas des arches).
C’est pour franchir le vallon affluent de Babours qu’a été édifié l’ouvrage le plus massif du tracé, le Paradel del Diable. Son développement en arc de cercle atteint 90 m, une hauteur conservée de 5 m (13 m restitués) pour une largeur de 2,60 m, atteignant 7,20 m avec les contreforts. Unique possibilité d’écoulement du ruisseau temporaire et de franchissement du vallon pour les hommes et les animaux, une seule arche large de 2,80 m, avait été prévue.
Les contreforts très massifs ont été mis en place dès la construction de l’ouvrage. Ils sont présents tant sur les faces concaves que convexes du monument avec des développements de 3,10 à 12,30 m pour des épaisseurs comprises entre 1,80 et 3,50 m.
Le parement de certains contreforts est réalisé en alternance par deux assises de moellons calcaires blancs et une assise de tuf jaune, ce qui ne semble pas avoir d’autre fonction que la recherche d’un aspect décoratif.
Ici encore, des contreforts ont été rapportés en cours d’utilisation, l’un d’eux est consécutif à l’effondrement du parement de l’arcade.
A peu de distance du village de Vers, un mur-porteur a été adossé à la falaise sur une longueur de 40 m pour supporter la canalisation à 4,50 m de hauteur. C’est peut-être en raison de fuites, révélées par un voile calcaire qui tapisse le parement, ou de l’absence de talutage, qu’un mur de revêtement large de 1,50 m (fig. 11)
est venu épauler l’ouvrage sur toute sa longueur.
Un autre pont-aqueduc, muni de six piles, édifié sur une longueur de 55 m pour une hauteur restituée de 5,50 m, a été découvert lors de la construction de l’autoroute A-20 à Lamagdelaine (fig. 12).

C’est selon toute vraisemblance dans le courant du Ier siècle, peu de temps après sa construction, que l’ouvrage subira un effondrement presque total en raison de la mauvaise qualité du mortier.
Alors même que la rivière du Lot se trouvait à proximité, le sable a été recherché dans des poches de décalcification d’argile. Même en cas de lavage, cette argile n’a pu être totalement éliminée, c’est la raison pour laquelle toute cohésion a été rendue impossible lors du mélange avec la chaux.
Lors de la reconstruction, pour laquelle le sable et les graviers de la rivière seront employés, six des sept arches seront obturées, ce qui transformera le pont en mur-porteur muni d’une seule arcade indispensable à l’écoulement du ruisseau temporaire.
7. Une modification du tracé
Pour éviter la construction d’un pont-aqueduc franchissant la vallée de Nouailhac qui aurait eu pour dimensions approximatives 180 m de long et 40 m de hauteur, les concepteurs de l’aqueduc ont délibérément opté pour un grand détour dans cette vallée .
La recherche d’un étranglement, occasionnant un accroissement du tracé de 5,5 km, avec la déclivité correspondante, permettra une réduction notable de l’importance de l’ouvrage d’art, tant dans sa portée, que sa hauteur. Les restes de piles indiquent qu’il s’agissait d’un pont-aqueduc long de 150 m pour une hauteur de 16 m sur une très courte portée.
A une date inconnue, il a été fait le choix de réduire ce détour de 1,1 km. Pour ce faire, l’aqueduc a été condamné par une maçonnerie et le canal dévié de 90° (fig. 13).
Les traces en sont ténues mais les enrochements destinés à recevoir les piles témoignent qu’un nouveau pont a été édifié pour franchir la vallée. Ses dimensions sont estimées à 128 m pour une hauteur de 25 m . Le bénéfice de cette opération n’apparait pas évident. Bien sûr, un gain a été apporté à la vitesse de l’écoulement, de même, l’économie a été faite de l’entretien de 1,1 km d’aqueduc soit 1/30e du total.
Le gain parait presque dérisoire en regard de la construction de ce nouvel ouvrage d’art de taille importante et de l’accroissement des dépôts calcaires inhérents au brusque virage et à la rupture de pente. Alors que le dénivelé de 1,63 m était précédemment réparti sur 1 100 m de tracé, il correspond dorénavant à 128 m, ce qui explique les amas considérables de concrétions et les multiples rechapages apportés au specus.
8. Des aménagements originaux
Un bassin-fontaine identifié à Vers figure parmi les découvertes les plus inattendues (fig. 14).
Il permettait de recueillir les fuites de l’aqueduc dues à une contre-pente dans le but d’alimenter les populations riveraines. Cette construction postérieure à 220 ap. J.-C. , est munie d’un seuil et était protégée d’une toiture. La céramique qui provient de son comblement est constituée exclusivement de formes permettant de puiser l’eau (amphores, pichets et cruches) dont la typologie indique qu’il était encore en usage au début du Ve siècle. Bien qu’il s’agisse là d’une façon opportuniste de profiter d’une malfaçon postérieure à la mise en service, ce bassin est un exemple à notre connaissance unique de servitude d’un aqueduc dans les campagnes.
Des aménagements d’accès au chantier, pratiqués sous forme d’aplats dans le rocher, ont été mis en évidence. Ils permettaient le cheminement du personnel en bordure de l’aqueduc, côté vallée, ou bien sur l’extrados de la voûte, cette dernière recevant alors une chape de mortier complémentaire, dans les passages périlleux ou les tranchées ouvertes en falaise.
9. Les concrétions
Source de problèmes majeurs pour le personnel en charge de l’entretien, les dépôts de calcaire - durs avec l’eau propre, puis jaunâtres et caverneux en cas de turbidité - se sont fixés sur les parois.
Leur accumulation a eu pour effet de réduire la vitesse d’écoulement, et parfois même de colmater presque complètement l’aqueduc dans les passages entaillés dans les falaises exposées au sud, ainsi que dans les sections à faible pente et les virages trop marqués.
Fait exceptionnel, nous avons pu observer qu’ils ont été régulièrement déposés en cas de forte accumulation, ce dont témoignent les multiples empreintes orientées à 45° laissées par des outils de type piochon, munis d’une lame plate large de 3 et 4 cm (fig. 15).
10. La mise à profit du monument abandonné
Depuis longtemps à l’état d’abandon faute d’entretien, des mentions historiques et l’archéologie témoignent d’une seconde vie du monument.
En 1340, durant la guerre de Cent Ans, le registre consulaire de la ville de Cahors indique le démantèlement des vestiges du pont-aqueduc de Laroque-des-Arcs situé à 4 km en amont de Cahors. La raison est liée à son occupation par des troupes à la solde des Anglais qui, profitant de la position stratégique dominante de l’ouvrage d’art, rançonnaient l’approvisionnement par voie terrestre et fluviale de la capitale du Quercy.
A plusieurs reprises, nous avons observé une présence médiévale, dont la nature est généralement difficile à appréhender, et qui se caractérise par du mobilier céramique toujours inscrit dans une fourchette XIIIe-XVe siècle.
Les traces les plus nettes, qui correspondent manifestement à une occupation agraire, se situent au Mur du Diable. Des scories de fer, de la céramique et un fragment de meule sont associés à une construction enterrée en pierres sèche et couverture en encorbellement, suggérant une glacière. Un contrefort du pont-aqueduc a été partiellement démonté et reconstruit en employant un liant fait d’argile et d’éclats calcaires. Des traces de roues de char qui ont creusé un sillon dans les maçonneries permettent de restituer le sol médiéval à 1,50 m au-dessus des ruines de l’arche .
Il est plus difficile de dater la récupération des matériaux de construction, qui a essentiellement affecté les moellons soignés des parements. Il s’agit d’actions opportunistes et non systématiques, dont on sait qu’elles se pratiquaient régulièrement encore il y a seulement quelques décennies. Il est toutefois assez étonnant de constater que le pillage n’est pas nécessairement plus intense à proximité des lieux habités, naturellement demandeurs de matériaux, ou des routes ou chemins qui en auraient favorisé le transport et la diffusion.
11. Des tentatives de remise en service
Abandonnés faute d’entretien depuis la fin de l’Antiquité, de nombreux aqueducs seront remis en service au milieu du XIXe siècle afin de résoudre, tout à la fois, l’alimentation et la salubrité des villes, alors confrontées à une importante poussée démographique et aux débuts de l’industrialisation.
Celui de Cahors fera l’objet en 1850 d’une étude préalable de grande qualité technique « en utilisant ce qui reste de l’aqueduc construit par les romains ».
Les ingénieurs dressent un plan général du tracé calqué sur le cadastre napoléonien, indiquant la position des 120 sondages réalisés dans le but de préciser le tracé alors reconnu de l’aqueduc.
Un profil en long (fig. 16) et un court texte précise les modalités du projet mais les édiles cadurciens remettent cette réalisation « à un avenir plus prospère, à une civilisation plus développée » en raison du coût des reconstructions . Selon ce document, un tiers du tracé est en parfait état de conservation, un autre tiers à restaurer, et le dernier est à reconstruire en totalité. C’est donc le captage de la fontaine des Chartreux (fontaine Divona de la ville romaine) qui va être privilégié en adoptant le nouveau procédé des machines à vapeur permettant de surélever de 45 m les 1 500 m3 prélevés chaque jour . Stockée dans deux anciennes galeries de 2 000 m3 auparavant destinées à l’exploitation du calcaire, l’eau va être distribuée au moyen d’un siphon, empruntant la chaussée du pont Valentré, permettant à partir de 1853 l’alimentation de 16 bornes-fontaines disséminées dans la ville .
Une plus ancienne mention relative à la restauration de l’aqueduc de Cahors pourrait être due à saint Didier, évêque de Cahors de 630 à 655 .
Ancien trésorier du roi Dagobert, Didier qui est originaire de la région d’Albi succède sur la charge épiscopale à son frère Rustique, assassiné par les bouchers de Cahors.
Ce grand personnage nous est connu par sa Vita qui lui attribue d’importants travaux de fortification et d’embellissement de la cité des cadourques.
L’élément qui nous intéresse ici est relatif à un courrier que le prélat adresse à Césaire, son collègue de Clermont, déplorant la pénurie en eau de source dont souffrait Cahors et sollicitant l’envoi d’ouvriers spécialisés aptes à poser des canalisations souterraines en bois : « qualem egestatem de aqua, quam fons prebaet in hac Cadurcina civitate habenus … per tubeos ligneos subterraneo officio ad ipsa civitate aquam ducere debeamus ».
S’agissait-il de réparations de l’aqueduc ou, ce qui paraît plus probable, du captage d’une source proche de Cahors ? Quoi qu’il en soit, ce texte démontre que l’aqueduc n’était plus en mesure de fournir une alimentation suffisante au VIIe siècle, ce qui n’est pas vraiment une surprise, et que le procédé de tuyaux de bois évidés pour transporter l’eau était manifestement un procédé bien connu dans le Massif Central.
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Notes
Cet article a été publié en mai 2011aux Presses Universitaires de Rennes, coll. Archéologie & Culture sous la dir. de C. Abadie-Reynal, S. Provost et P. Vipard, université de Nancy 2, dans les actes du colloque international de Nancy, les 20 et 21 novembre 2009 – Les réseaux d’eau courante dans l’Antiquité, réparations, modifications, réutilisations, abandon, récupération –.
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. Ce qui double sa distance à vol d’oiseau de la ville romaine.
. TARRISSE, BARRERE 2002.
. Bien que l’on en soit certainement très proche, le captage proprement dit ne peut être reconnu dans les différents aménagements apparus à la fouille. Dans ces conditions, on notera que le plan, bien que partiel, offre beaucoup de similitudes avec un fanum carré s’ouvrant à l’est. Dans cette hypothèse, et même si aucun élément suggérant une quelconque dévotion n’a été retrouvé, on devra sans nul doute interpréter ces vestiges comme ceux d’un nymphée commémorant le départ de l’aqueduc depuis le pied de l’oppidum gaulois abandonné en direction (au profit ?) de la nouvelle capitale des Cadurques Divona/Cahors.
. Cela a pour effet de favoriser la vitesse d’écoulement et facilite la collecte des dépôts potentiels.
. RIGAL et al 2006.
. Les hauteurs restituées ici prennent pour référence le sol actuel. Il convient de les augmenter de la sédimentation accumulée depuis l’Antiquité qui atteint généralement une épaisseur de 3 à 5 m dans les fonds de vallée. Ce phénomène de colmatage est aggravé par les piles de maçonneries faisant office de barrage.
. Date C14.
. Le produit de l’érosion s’étant fortement accru aux XVIIIe et XIXe siècles en raison de l’accroissement important des populations dans les campagnes, le sol se situe actuellement à 3,80 m au-dessus du sol antique.
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