LE MOULIN DE COUGNAGUET (CALES 46) : Valérie ROUSSET
Photos Mireille LANCELIN
Le moulin de Cougnaguet :
vue générale depuis le Nord-Ouest
Etabli sur les eaux de l’Ouysse, le moulin fortifié de Cougnaguet fut bâti entre 1292 et 1350 par les moines cisterciens de la Grange des Alix, située près de Rocamadour. Restauré après la guerre de Cent Ans, l’édifice ouvert au public est encore aujourd’hui un rare témoignage vivant de l’art de la meunerie en Quercy.
Le moulin à eau de Cougnaguet est isolé au fond de la petite vallée de l’Ouysse, enserrée par les hautes falaises calcaires qui entaillent le causse de Gramat. C’est dans ce paysage somptueux, façonné par les eaux vertes de la rivière abondantes tout au long de l’année, que les moines édifièrent le moulin de Cougnaguet où étaient moulus le sarrasin, l’épeautre et le blé.
Ils aménagèrent à l’endroit le plus resserré du cours d’eau, sous l’à pic du rocher, d’une part une large digue retenant les eaux du bief, et d’autre part un canal d’amenée rabattant le flux dans quatre conduites forcées. Celles-ci alimentent les quatre rouets de bois logés dans de profondes cuves cylindriques maçonnées en pierres finement jointoyées situées dans le soubassement du bâtiment.
Ces quatre turbines actionnent quatre paires de meules en calcaire et silex installées dans un espace de plan rectangulaire accessible à l’origine par une arcade en arc brisé, et éclairé par deux fentes de jour étroites élargies au 15e siècle.
Après avoir mis en rotation les rouets, l’eau est délivrée en aval par quatre sorties d’eau en forme d’arcades en plein cintre issues d’un remaniement effectué au 15e siècle.
Les éléments du mécanisme en fonction sont aujourd’hui présentés pour rendre didactique l’art des meuniers du passé : les rouets aux lourdes meules tournant à la vitesse de 80 tours/minute, les potences servant au levage de ces derniers, le blutoir tamisant les farines.
L’ habitation du meunier à l’étage qui possédait à l’origine des latrines, dont on trouve les vestiges côté nord, fut dotée au 15e siècle d’une cheminée monumentale.
Notes d’histoire
Mentionné pour la première fois en 1260 dans un accord concernant les eaux et moulins de l’Ouysse passé entre les abbés d’Obazine et de Tulle, le moulin est à nouveau cité en 1330 dans un acte de pariage entre le roi Philippe VI et l’abbé d’Obazine.
Au lendemain de la guerre de Cent Ans, l’édifice ruiné fut arrenté par les moines à des tenanciers : Etienne Peyrelade et Bertrand Dubernat (1446), auxquels succédèrent Pierre et Laurent de Duras (1448) puis Jean Pagès et Marie Delmas (1606). En 1741, le moulin, en mauvais état et n possédant alors que deux paires de meules, fut vendu avec le fief à Guillaume Audin bourgeois de Rocamadour qui restaura le bâtiment pour le louer à Guillaume Briat, meunier du proche moulin de Caoulet.
L’édifice fut ensuite vendu en 1778 à Estieu dont le nom fut gravé sur les pierres de la chambre des meules. C’est Odette Faure, petite-fille de monsieur Cavaroc propriétaire des lieux en 1919, qui présente aujourd’hui le moulin aux visiteurs, expliquant avec talent, passion et justesse l’art complexe de la meunerie.
Le moulin, protégé en 1925 au titre des Monuments historiques, a fonctionné jusqu’en 1958.
Notes d’architecture
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Le mécanisme du moulin
Une digue de 6 mètres de largeur retient le courant depuis le Moyen Age pour contenir l’eau qui, par le canal d’amenée et les quatre conduites forcées, libère le flux dans les pales des rouets contenus dans les cuves cylindriques. L’action des rouets formés d’augets en bois met en rotation les quatre paires de meules permettant de moudre jusqu’à trois tonnes de grain par jour. Les céréales contenues dans une trémie s’écoulent dans l’oeillard placé au centre de la meule tournante placé sur la meule dormante. Les grains sont ensuite broyés entre les deux meules tournant à la vitesse de 80 tours/minutes, libérant la farine qui par force centrifuge se déverse dans un baquet. La farine est ensuite disposée dans un blutoir, grand tamis cylindrique de toiles de lin plus ou moins fines, dont la rotation permet d’extraire le son en fonction de la demande.
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Le moulin de la fin du 13e et première moitié du 14e siècle
Le moulin médiéval est une grande bâtisse de plan rectangulaire ancrée sur le côté droit de la rivière. Le soubassement, construit en bel appareil de blocs calcaires parfaitement jointifs, englobe la conduite forcée par laquelle arrive l’eau qui actionne les rouets.
Le bâtiment ne possédait à l’origine qu’une entrée placée à gauche de la façade sud. Cette grande arcade, que l’on gagnait depuis la rive par un pont de bois, fut murée au 19e siècle lorsqu’on aménagea sur la terre ferme une porte charretière. Dans un but défensif, les murs de 1,30 m d’épaisseur ne furent percés que de fins jours en meurtrière logés dans de profondes embrasures à linteau droit de pierre soutenu par des consoles doubles (les jours aménagés côté nord furent agrandis à la fin du 15e siècle).
Le logis réservé à l’étage au meunier fut en partie remanié à la fin du 15e siècle. Des vestiges, conservés notamment sur le mur nord, indiquent que ce dernier était pourvu de latrines au coffre placé en encorbellement.
La restauration du moulin à la fin du 15e siècle
A l’image d’un grand nombre d’édifices médiévaux, le moulin de Cougnaguet, sans doute ruiné durant la guerre de Cent Ans, fut l’objet de travaux de reconstruction partielle.
La façade sud ainsi que les sorties d’eau furent rebâties. L’accès à l’étage, assuré autrefois depuis la chambre des meules au rez-de-chaussée, fut déplacé sur la façade nord où une porte extérieure aujourd’hui murée était desservie par un escalier et une galerie en bois dont subsiste l’ancrage des poutres.
Le percement de nouvelles fenêtres ouvrit alors davantage l’espace intérieur, à l’origine confiné à la pénombre. Un évier en pierre fut aménagé dans une souillarde que chauffait désormais une cheminée monumentale en pierre à bases prismatiques.
Les remaniements au 19e siècle
Afin d’améliorer l’approvisionnement de la chambre des meules, une nouvelle entrée fut aménagée sur la partie droite de la façade sud rendant ainsi obsolète l’arcade médiévale. La salle réservée aux meules fut réduite et l’on installa à son côté est une pièce de stockage.
Désormais deux portes à l’Ouest et au sud distribuaient directement le rez-de-chaussée et l’étage.
Valérie Rousset, juin 2005.
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