Lou mandoment
Paul Froment
Un cop èro un curè bíèl coumo un prat, sourd coumo uno desco e l’esprit prou simplot. Abio lou nas e lous pièls loungs, la bisto courto, la memorio tabé, e prenio de tabac coumo un gatou de cendres.
D’aquel tems, se troubèroun à cambia l’abesque e lou noubèl bengut, pensas-bous, embouyèt un mandoment. Cal mandoment, mous amics ! Se bous abio calgut lou siègre d’un cap à l’autre, bous senas demantibulat las machouèiros de badalha. N’abio pas planjegut lou papiè, ni lou tems, l’ancro per l’escriure.
Lou dimenches d’après, coumo de juste, dibio leji dins toutes las parroquios del dioucèse.
Grando joio de nostre curè. Jujas : abio soun sermoun tout preparat, e n’èro pas per el uno pichouno peno.
Dounc, dabant la messo, coumandèt à soun enfant de cur de lou pourta sus la cadièro prechadouiro — pas lou curè, lou mandoment !
— Aqueste, prou pistoulet, metèt à la plaço un libre de cansous, à pus près dins la même formo que lou rèsto, e s’en toumèt.
Après l’ebangèli, notre ritou mountèt predica. Quand ajèt fèit lou sinne de la crout, prenguèt uno preso, metèt sas lunetos sul nas e coumencèt atal :
« Mous fraires, anèt bous bau léji lou mandoment de mounsegnou l’abesque. Fasès atenciu e sejissès lous counsels que bous dono. Escoutas. ››
Aco dit, desplègo soun afa e lejis sans se douta de la farço que i abion fèito :
« Naneto, Ncmon. »
Lèbo lou cap, estounat :
« Besès, mous très chèrs fraires, diguèt, bous-aus, prenès de noums mignards e recercats e mounsegnou l’abesque s’apèlo Naneto Nanon ! Escoutas :
Naneto, Nanon
S’assetaboun sus l’erbeto.
S’assetabo sus l’erbeto ! Cal ome, mous fraires ! Bous-aus, bous cal de fauturs rembourrats e mounsegnou l’abesque s’assetabo sus l’erbeto ! Prenès eisemple, e prenès la resouliciu de fa coumo del, que que bou’n coste, mous fraires ; sejissès lous counsels de soun bèl mandoment dount bau countugna letturo :
Naneto, Nanon
S’assetaboun sus l’erbeto,
Se toucaboun la maneto...
Oh ! oh ! se toucaboun la maneto ! qu’es aco ? N’es pas lou mandoment de mounsegnou l’abesqu diguèt nostre ome furious. Oh ! saquela, m’en fan un pauc trop ! Pichou, m’as couiounat, mès te troubarèi` las aurelhos. ››
Sus aco, dabalo quatre à quatre lous escalhès d la cadièro, mès poudès crere que l’autre s’èro tirat de pes pès !
(Lou Calel, 16 avril l893.)
REVIRADO Claude Vertut
La lettre pastorale
Il était une fois un curé vieux comme un pré, sourd comme une une corbeille et l’esprit assez simplet. Il avait le nez et les cheveux longs, la vue courte, la mémoire aussi, et il prisait du tabac comme un petit Chat des cendres.
Dans ce temps là il se trouvèrent à changer l’évêque et le nouveau venu, pensez-vous, envoya une lettre pastorale. Quelle lettre pastorale, mes amis ! S’il vous avait fallu le suivre d’un bout à l’autre, vous vous seriez démantibulé la mâchoire à bailler. Il n’avait pas plaint le papier, ni le temps, l’encre pour l’écrire.
Le dimanche d’après, comme de juste, elle devait être lue dans toutes les paroisses du diocèse.
Grande joie de notre curé. Jugez : Il avait son sermon tout préparé et ce n’était pas pour lui une petite peine.
Donc avant la messe Il commanda à son enfant de coeur, de le porter sur la chaise de prêche. - pas le curé, le "mandoment" !
– celui-ci, assez pistolet, mit à la place un livre de chansons, à peu près de la même forme que le reste, et Il repartit.
– Après l’évangile notre petit curé monta prêcher. Quand il eut fait le signe de croix, Il prit une prise, mit ses lunettes sur le nez et commença comme cela :
« Mes frères, ce soir je vais vous lire, la lettre pastorale de monseigneur l’évêque. Faites attention et suivez les conseils qu’il vous donne. Écoutez. »
Ceci-dit, Il déplie son affaire et il lit sans se douter de la farce que l’on lui avait faite :
« Nanette, Nanon »
Il lève la tête étonné :
« voyez mes très chers frères, dit-il , vous autres, vous prenez des noms mignards et recherchés et monseigneur l’évêque s’appelle Naneto Nanon !
Écoutez :
« Naneto, Nanon
Ils s’asseyaient sur l’herbette »
Il s’asseyait sur l’herbette ! Quel homme, mes frères !
Vous autres Il vous faut des fauteuils rembourrés et monseigneur l’évêque s’asseyait sur l’herbette. Prenez exemple et prenez la résolution quoi qu’il vous en coûte de faire comme lui,
mes frères : saisissez les conseils de cette belle lettre dont je vais continuer lecture :
« Naneto, Nanon
Ils s’asseyaient sur l’herbette
Se touchaient la menotte »
Oh ! Oh ! Se touchaient la menotte ! Qu’est-que c’est ? Ce n’est pas la lettre pastorale de monseigneur l’évêque dit notre homme furieux.
Oh ! Saquela on m’en fait un peu trop !
Petit tu m’as couillonné mais je trouverai les oreilles »
Sur ce il descend quatre à quatre les escaliers de la chaire mais vous pouvez croire que l’autre s’était sorti de par les pieds !