LE Calel : Pierre Calel

, par Claude Vertut

LE CALEL
LE Calel, c’est la lampe antique et familière,
II est de cuivre, lourd et vite à se ternir,
Sa lumière est fumeuse, incertaine et grossière
Et pourtant le Calel est de bon souvenir.
C’est qu’il nous est un peu le foyer de famille
Et la terre natale et le sol nourricier,
Tout au fond du passé très doucement il brille
Comme notre jeunesse et le bonheur premier.
Chez nous, à nuit venue, à l’heure où dans les granges
S’endorment, gravement, fatigués, les boeufs lourds,
Quand dehors par les champs passent des bruits étranges
Mystères de la terre et ferments des labours.
Après les longs travaux de la rude journée
Et s’être retrouvés tous au repas du soir,
Devant le bon feu clair dorant la cheminée,
Les maîtres, les valets en rond allaient s’asseoir.
venions, les petits, là, tout près de l’aïeule
Pour l’entendre conter un long récit troublant
Et le silence était plus grand de sa voix seule,
Son regard était vague et ’son geste était lent.
Elle disait les loups-garous et les fantômes,
Et les jetteurs de sort, et les sorciers méchants,
Le Drag, mauvais esprit et tourmenteur des hommes,
La Bête qui, la nuit, emporte les enfants.
Et tandis que passaient en sabbat de sorcière
Devant nous grimaçants tous ces monstres hideux,
Et que nous nous serrions plus près de la grand’mère,
Et que l’angoisse grande ouvrait plus grands nos yeux,
Le vieux Calel prenait comme un air de mystère.
Son cuivre se fonçait lentement rouge roux,
II devenait fumeux, de petite lumière,
Et le Calel semblait avoir peur
Puis le père disait les projets de semaille,
Le labour commencé, la moisson qui naîtrait,
Le blé qui vient plus lourd à qui plus le travaille,
Qu’on avait de bons bras et qu’on travaillerait.
Son regard était franc, sa parole un peu dure,
Ses mots étaient marqués d’austère gravite,
Et le Calel semblait, par sa lueur plus pure,
Rayonner comme lui, de la sérénité.
Lorsqu’enfin arrivait l’heure de la prière,
Chacun s’en venait mettre à genoux près du lit,
Et le Calel tremblait, sa petite lumière,
Douce comme un regard de vieille qui sourit.
Calel, mon vieux Calel à la tremblante flamme,
Toi qui nous comprenais, qui savais notre coeur,
Toi qui semblais briller un reflet de notre âme,
Toi qui fus notre ami d’enfance, le meilleur.
Pourquoi t’ai-je quitté pour aller vers ïes villes,
Vers les ambitions et les hommes méchants,
Puisque tu me disais les campagnes fertiles,
La paix de la Nature et le calme des champs ?
Vainement j’ai prêché près d’un torrent qui roule,
La Route vers la Terre et le bonheur rendu,
Car ma voix s’est perdue aux rumeurs de la foule,
Les hommes qui passaient ne m’ont pas entendu.
PIERRE CALEL.LE de