Lo sornaille e lou limaou par Gabriel Feyret

, par Claude Vertut

Lo sornaille e lou limaou

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Lou soulél oquél tzour obio fat motinado.

Sus l’pont, o él birat, d’uno bièillo porét
Olutro uno sornaillé o l’bord dé soun troouquét.
Sus l’herbo, un biel limaou, qualqués glouts dé rousado.

Lou limaou, on lou frésqué, obio fat prouménado.
E s’én torno én rompent, gagno soun oustolét.
Pér riré è sé truffént dé l’paouré malodrét,
Lo sornaillé l’y dis : “Bous coldrio ‘no tzournado

En plo bous trigoussént, pér troberssa l’tzordit !”
“iéou sabi, tout ségur, qué sés plo dégourdit”
L’y respound lou limaou “Mès ‘cos pas uno probo

Qué sé fosiant poriat, bous mé fèssés rompèou
E bésès tzustomént couci oquo sé trobo ;
O l’cat d’oquél tzordit, moïnotzat pér lo nèou,

L’y o un pè dé binéto o l’détzous d’uno souco,
E rés qu’ol y pénsa aï solibo o lo bouco,
Ocos pus fort qué iéoou è l’y baou d’oquél pas
Qual l’y trouboro l’aoutré ? Enquèro sé sat pas !”

Lo sornaillé dé riré, én sé tustént lo closco,
D’oousi un tal ménut oousa lo défisa !
“Espèci d’innoucént, o l``eïme as fat un’osco,
Pér créïré qu’obont iéoou olaï té bas poousa !”

E sé bo´spoloncqua, o l’rasi d’uno croso,
Pér fa’n brabé mètzour prèt d’un borlat dé loso.
Guélo o l’soulél sé carro o l’y to bièn dourmi.
Lou limaou, d’oquél témps, o fat mitat comi.

“Podés toutzours rompa pér gogna lo portido !
Estirgogno-té plo, iéou mé baou omusa.
E quond l’oumbro dé l’sér d’oïci m’oouro sourtido,
Tolèou t’ottraporaï è tus l’y bas susa.”

On d’un’aoutro sornaillé, én comi roncountrado,
Dé riré è s’occoursa è se fa millo tours !
Otal nostro sornaillé ocabo lo tzournado.
Quond s’én tratzo d’un cot és détza soulél court.

Lou limaou, qu’o l’tengut, démpeï mètzour comino,
Orribo, tzusté olèro, o l’endret coumbéngut.
Lo ropido sornaillé, én musént, o pérdut.
Dé déspièt l’y rénègo è aro o bouno mino !

Pér tal ou tal offa aï soubént oousit diré :
“Enquèro pér fa co iéoou aï prou lou témps.”
Sé portès pas prou lèoou è siosquèsés lou bént,
Monquorés bostr’offa è dé bous forés riré.

Le petit lézard gris et le limaçon*

Le soleil, ce jour là était déjà haut dans le ciel
Sur le côté, vers lui tourné, d’un vieux mur.
Il réchauffe un lézard au bord de son petit trou.
Sur l’herbe, un vieux limaçon, quelques gouttes de rosée.

Le limaçon, avec la fraicheur du matin, avait fait une promenade
Et s’en revient en rampant, il regagne sa petite maison.
Pour rire e se moquant du pauvre maladroit,
Le lézard lui dit : « Il vous faudrait une journée

En vous trainant bien, pour traverser le jardin ! »
« Je sais, certainement, que vous êtes très malin »
Lui répond le limaçon « Mais ce n’est pas une preuve

Que si nous faisions le pari, vous puissiez me tenir pied
Et voyez justement comment cela se trouve,
Au bout de ce jardin, épargné par la neige,

Il y’a un pied d’oseille au dessous d’une treille,
Et rien que d’y penser j’ai la salive à la bouche,
C’est plus fort que moi et j’y vais de ce pas
Qui y retrouvera l’autre ? Encore cela ne se sait pas ! »
Le lézard se mit à rire, en se frappant le crane
A entendre un tel minus oser le défier !
« Espèce de naïf, à ton cerveau tu as fait une encoche,
Pour croire que là bas avant moi tu vas arriver ! »

Et il va s’étirer de tout son long, au près d’une cavité,
Pour faire un bon somme près d’une flaque de boue.
Elle, au soleil se plaît à si bien y dormir.
Le limaçon de ce temps a fait la moitié du chemin.

« Vous pouvez toujours ramper pour gagner la partie !
Etire-toi bien, moi je vais m’amuser.
Et quand l’ombre du soir d’ici m’aura fait partir
Aussitôt je te rattraperai et toi tu vas y suer. »

Avec un autre lézard, en chemin rencontrée,
Elle se met à rire et à se poursuivre et à faire mille tours !
Ainsi notre lézard achève la journée.
Quand d’un coup elle s’en aperçoit il est déjà soleil couchant.

Le limaçon, qui sans arrêt, depuis midi chemine,
Arrive, juste alors, à l’endroit convenu.
Le lézard rapide, en musant, à perdu.
De dépit il maugrée et maintenant à bonne mine !

Pour telle ou telle affaire j’ai souvent entendu dire :
« Encore pour faire cela, moi j’ai assez de temps. »
Si vous ne partez pas assez vite et quand bien même seriez-vous le vent,
Vous manquerez votre affaire et de vous vous ferez rire.

*Titre traduit par l’auteur

Gabriel Feyret [originaire de Lamagdelaine, il est l’auteur d’un recueil de poèmes “Pastorales et Résurgences” en 1967 aux nouvelles Editions Debresse. La bibliothèque de l’Institut de France conserve le manuscrit, certainement présenté à un prix ou un concours littéraire de l’Académie Française, de “La muse itinérante, poésies” 105 p. daté du 12 décembre 1963. Cette fable et tirée de Tzous l’cèl dé moun poïs – Fables et poèmes occitans en dialecte quercynois, imprimé à Orléans pour le compte de la Société d’Edition de la Revue Française, 107 p. sans date – très certainement début des années 70 ]