LE VIEUX MOULIN : Jules Delseriès témoin du...

, par Claude Vertut

LE VIEUX MOULIN : Jules Delseriès

témoin du passé sur le ruisseau qui chante,
J’aime tes murs de lierre et ton toit vermoulu.
Tu n’es plus qu’un refuge où parfois quelque amante
Vient le soir quand il pleut, rejoindre son élu.
L’hirondelle a niché dans l’unique fenêtre.
Et son gazouillement suit celui du ruisseau.
Un rossignol perché sur la branche d’un hêtre
Fait eentre tous ses chants entendre le plus beau ;
Oui, mais plus de tic-tac, plus de blanche farine,
Plus de meunier joyeux au visage fardé,
Tu n’es plus qu’un lambeau, qu’une pauvre ruine ;
Et pourtant près de toi je me suis attardé.
Sous tes murs j’ai rêvé près d’un autre moi-même.
Je suis un vieux moulin, qui n’a plus de tic-tac.
Je n’ai gardé du temps, du bon vieux temps qu’on aime
Que quelques pauvres grains perdus dans un vieux sac.
Je voudrais de ces grains faire une autre farine
Que celle dont on fait le plus commun du pain.
Je voudrais, souvenir que l’amour illumine
Vous voir ressusciter de ce passé lointain.
Et près de ce moulin qui sait toute l’histoire
De l’époque ou sa meule écrasait le froment
Je retrouve toujours au fond de ma mémoire
Les cendres d’un beau jour et d’un bien doux moment.
Je t’aime vieux moulin au front crépusculaire
Image du trépas résigné des grands saints.
Tu t’en vas lentement vers le jour funéraire
Sans crainte et sans souci des pauvres lendemains.

LA photo est de Cidaline Luis : Ruines d’un moulin à Autoire