Emmanuel AEGERTER : CAHORS

, par Claude Vertut

CAHORS...

CAHORS, ville sombre Oh ! ces soirs d’automne,
La table, les fruits, la lampe allumée !
I Le soir violet et la lampe jaune
Mêlaient leurs lueurs aux vitres flammées

Dans mon coeur aussi des lueurs contraires
Mêlaient leur jour tendre et mystérieux ;
Dans le pur cristal aux facettes claires
Le vin me chantait le chant des aïeux

Autour de la nappe aux rosés pensives,
Devant les doux fruits aux subtils arômes,
S’il fallait grouper les anciens convives,
Ah ! Combien viendraient s’asseoir de fantômes !

Les fruits de septembre en orbes trop peintes
Gonflaient sur la coupe un verger mourant,
Rêveur, j’adorais la saveur des teintes,
Mes yeux s’enivraient aux feux odorants ;

Mes nerfs douloureux transposaient le monde,
Mon songe à toute ombre accordait un double,
La lampe m’était une plainte blonde
Le couchant mourait en musique trouble.

Tandis qu’au clocher d’indolence triste,
Raffinant sans fin jusqu’à n’être plus,
Nuances de lis, d’ache et d’améthyste,
Se fanait en fleurs de ciel l’Angélus.

Le raisin m’offrait les vignes mystiques
Et les ceps noueux des saintes vendanges,
Quand tombent les coeurs au chant des cantiques
Sous la serpe d’or d’invisibles anges...

Je goûtais l’odeur des brusques silences,
Et mon âme était, en ces autrefois,
Pleine de soupirs et de concordances
Un poème obscur qu’on rythme à mi-voix.

(Le Voilier aux Diamants