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DOSSIER n°52
Arnaques aux médocs
Par Léa Gasquet, le 6 avril 2016
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Chaque année, les faux médicaments tueraient 700 000 personnes. La faute à qui ? Aux trafiquants certes, mais aussi aux labos qui, pratiquant des prix indécents, poussent les malades à se réfugier dans ce marché parallèle.
On connaissait le trafic de faux polos Lacoste ou de sacs Vuitton. On connait moins les faux médicaments. Contrefaçons, « médicaments de rue », gélules à base de farine, comprimés périmés ou sans autorisation de mise sur le marché, le problème touche principalement les pays émergents où le circuit de distribution est souvent peu contrôlé et les médicaments trop chers.
En Afrique et en Asie, les antibiotiques sous-dosés et les antipaludéens falsifiés seraient responsables de milliers de morts. Dans les pays occidentaux, depuis l’avènement d’Internet, c’est le trafic de « produits de confort » qui est en plein boom.
LES TRAFIQUANTS TISSENT LEUR TOILE
« Le plus souvent, il s’agit de comprimés pour les troubles de l’érection », déclare la Direction générale des douanes françaises qui saisit plusieurs dizaines de milliers de pilules de faux Viagra, de produits anabolisants ou amaigrissants par an.
« Le point commun, c’est le non-remboursement de ces produits, mais il y a aussi un facteur psychologique. Les gens n’osent pas parler de problèmes d’érection à leur médecin de famille, donc ils se tournent vers Internet », explique Bernard Leroy, directeur de l’Institut international de recherche anti-contrefaçon de médicaments (IRACM). Cet institut financé par Sanofi, leader mondial de l’industrie pharmaceutique française, promeut la lutte contre les faux médicaments auprès du grand public et forme des douaniers dans le monde entier.
Commander des médicaments sur Internet est à peu près aussi hasardeux qu’un pari à pile ou face. La moitié sont des faux. Jusqu’à 62 %, selon l’Alliance européenne pour des médicaments sûrs (EAASM).
Chaque année, les opérations Pangea coordonnées par Interpol aboutissent à la fermeture d’un nombre croissant de sites frauduleux et la cellule d’investigation des Cyberdouanes, créée en 2008, ne peut que constater le perfectionnement des techniques des trafiquants. Depuis l’année dernière, la mode est au « cybersquatting » de sites légaux renvoyant à des officines illicites.
Moins sanctionné et plus rentable que le trafic de drogue, le business sale du faux médicament a déjà séduit le crime organisé. D’après Bernard Leroy qui a travaillé pendant vingt ans auprès de l’Office des Nations unies contre la drogue et le crime en tant que juge d’instruction, même les cartels de la drogue mexicains s’y seraient mis.
« Avec quelques kilos de farine et une machine à encapsuler, on peut facilement produire jusqu’à 500 000 unités par jour. Pour un dollar investi, vous pouvez espérer en tirer 400$, contre seulement 20$ pour l’héroïne »
« Dans les semaines qui ont suivi le début de l’épidémie Ebola, des trafiquants ont sorti un vaccin bidon. Ils sont très réactifs. » En 2014, peu après l’arrivée sur le marché du sofosbuvir, une molécule utilisée dans le traitement de l’hépatite C, des sites vendaient déjà génériques et princeps(1) à prix cassés. En avril 2015, un atelier de fabrication est démantelé à Islamabad, la capitale pakistanaise. En février dernier, des contrefaçons sont repérées en Asie du Sud, puis en Israël un mois plus tard.